Webmaster
591 posts depuis le 7/2/2003 De : Châteauroux
|
|
PARIS (AP) -- «Je ne crois pas à la mort. On est mort pour les autres, pas pour soi-même», disait Serge Reggiani en répétant qu'il continuerait dans d'autres vies. Après plus de 60 ans de carrière où il cultiva l'art de conjuguer les genres, «L'Italien» s'en est allé. Homme pudique, sensible et généreux, Serge Reggiani a succombé à un arrêt cardiaque dans la nuit de jeudi à vendredi à Paris, à l'âge de 82 ans. Il y a environ trois semaines, l'artiste avait été admis à l'Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris pour une pleurésie, la «deuxième en six, sept ans», selon son attachée de presse Arielle Faille qui a précisé qu'il s'était éteint à son domicile. Ses obsèques doivent avoir lieu mardi dans l'intimité au cimetière Montparnasse. De «L'Italien» au «Barbier de Belleville», de «Sarah» au «Petit Garçon», «Les loups sont entrés dans Paris» à «Il suffirait de presque rien», l»'Arlequin d'Emilie» ouvrit grand la porte de l'émotion dans l'univers de la chanson en offrant sa voix grave et profonde à un répertoire dédié à la poésie. L'oeil attentif sous le sourcil broussailleux, le visage pétri de ténacité silencieuse autant que de tendresse, l'ironie en plus, Reggiani affichait le caractère plutôt taciturne et secret de ses personnages à l'écran ou au théâtre. Mais l»'Arlequin d'Emilie», par ses interprétations, savait faire passer le souffle de la vie dans ses chansons. Pour la rentrée prochaine, son manager Charley Marouani projetait toute une série de concerts, notamment à Paris. Mais «les dates n'étaient pas encore signées», selon Arielle Faille. Affirmant avoir dominé le trac, Reggiani avait repris le chemin de la scène l'an dernier, entre autres à l'Olympia. Tout au long de sa vie, c'est le même appétit qui conduisit cet apprenti coiffeur pour dames à l'adolescence à monter sur les planches et à tenter sa chance au cinéma avant de se lancer brillamment dans la chanson et de nourrir sa passion de la peinture. «Métèque exemplaire. Coiffeur, acteur, chanteur. Tous de rigueur. Serge. Homme à nous offrir du bonheur», résumait Michel Piccoli, dans une «lettre ouverte» accompagnant un double album-compilation produit en 1999 par Jacques Canetti, sous l'impulsion duquel -et de celle de Barbara-, Reggiani se lança dans la chanson, avec des textes taillés «sur-mesure» et l'interprétation de grands auteurs tels Boris Vian, Jacques Prévert, Baudelaire, Villon. Né le 2 mai 1922 à Reggio-Emilia dans le nord de l'Italie, Serge Reggiani vit une «enfance pauvre mais pas malheureuse», selon ses termes et ses premières années sont marquées par la disparition d'un petit frère qui succombe à une pneumonie trois semaines après sa naissance. Il arrive à l'âge de huit ans en France, où il vit la jeunesse d'un adolescent de temps de guerre. De l'école quittée à 13 ans, il passe aux ciseaux de l'apprenti-coiffeur pour dames, avant de rêver de devenir comédien. Faisant un peu de figuration, travaillant danse et acrobatie, le jeune homme indécis prend goût au milieu et entre au Conservatoire national d'art dramatique à Paris, où il décrochera deux deuxièmes prix de tragédie et de comédie. Dès 1940, le public le voit au théâtre dans «La Double Inconstance» de Marivaux. Deux ans plus tard, il aborde le cinéma avec le film de Louis Daquin, «Le voyageur de la Toussaint». Il jouera ainsi dans une quinzaine de pièces en près de 30 ans, et dans plus de 70 films, en l'espace de plus de 50 ans. L'homme sera notamment à l'affiche des «Portes de la Nuit» (1946), de «Casque d'Or» (1951), de «L'armée des ombres» (1969) et «Vincent, François, et les autres» (1974). Il confiera cependant plus tard qu»'on attend beaucoup trop» au cinéma, alors que la scène offre l'occasion d'un rendez-vous immédiat et fort avec le public. Au milieu des années 60, le comédien se lance ainsi dans la chanson après avoir rencontré Jacques Canetti et Barbara. Trouvant un nouveau succès et un nouveau public, Serge Reggiani séduit par l'intensité particulière qu'il met dans ses interprétations. C'est alors «Le petit garçon» (Jean-Loup Dabadie), «Sarah» (Georges Moustaki), «Le Barbier de Belleville», «Les loups sont entrés dans Paris», «Ma Solitude», «Venise n'est pas en Italie». En 1991, Serge Reggiani avait fêté ses 25 ans de chanson sur la scène de l'Olympia, alors qu'il venait de sortir un nouvel album, «Reggiani 91». Dans cet opus, il avait notamment signé un texte évoquant son amour pour la peinture: «Je peins ma vie» qui «n'a pas eu le talent de me donner l'oeil de Renoir. Alors, je vais de mon pas lent sur les chemins creux de mon purgatoire (...) J'arlequine mes tourments». Une façon de poser des couleurs sur la toile pour celui qui connut la douleur «terrifiante» du suicide de son fils Stephan en 1980 et la sournoise fidélité à l'alcool. En 1995, il sort un album «Reggiani 95», et un livre intitulé «Dernier courrier avant la nuit». Parallèlement à la chanson, l'artiste s'adonne en effet à l'écriture, mais aussi à la peinture et à la sculpture. Il expose notamment en 1997 à la galerie Vekava à Paris. En 2000, Reggiani publie un album qui ressemble à un testament, «Enfants, soyez meilleurs que nous». Deux ans plus tard, pour ses 80 ans, de nombreux chanteurs, parmi lesquels Patrick Bruel, Juliette, Bernard Lavilliers, Renaud, Jane Birkin, Benabar ou encore Sanseverino lui rendent hommage avec le disque «Autour de Serge Reggiani». L'artiste avait eu deux enfants d'une première union avec Janine Darcey, Stephan et Carine, et trois autres en secondes noces avec Annie Noël, Maria-Célia, Simon et Mario. Il s'était remarié l'an dernier avec Noëlle Adam-Chaplin. AP
Voir aussi fan club Serge Reggiani |
|