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# 1 ≡ Il était une fois, ... |
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... Claude François !
«C'était une douche... pas un bain !»
Anciennes clodettes, ex-compagnes, enfants, amis ou gérants de ses tubes, ils constituent la galaxie Claude François. Certains le vénèrent, d'autres ne l'ont pas connu mais tous entretiennent la flamme du chanteur mort dans sa salle de bain. Par Judith PERRIGNON - mardi 03 février 2004 «Je t'apporte la mèche de Claude François, c'est rare, tu vas faire un pic d'audience !» Fabien Lecoeuvre, attaché de presse posthume, à une télé undi 13 mars 1978. Lendemain de week-end électoral. Libération titre en bas de page : «Claude François : a volté». Samedi, le chanteur est mort électrocuté dans sa salle de bains. Dimanche, la gauche n'a pas gagné les législatives. Vingt-six ans après, à la pesée des souvenirs, l'extinction des plus belles paillettes de la variété l'emporte sur le report du grand soir. Demeure une sorte de fièvre d'un samedi soir dont beaucoup se souviennent, sauraient dire où ils étaient, comment la nouvelle est venue jusqu'à eux. Demeurent des émissions télé qui cartonnent à grands coups de nostalgie tandis qu'émergent des trentenaires qui traquent leur enfance tels des chercheurs d'or. Demeurent des rumeurs, une chorégraphie clodette des soirées dansantes. Demeure Michel Drucker, vétéran de la lucarne qui prédit : «Nul ne guérit de son enfance, nul ne guérit de Claude François.»
Pourtant, la petite fille du téléphone a grandi. Frédérique a 35 ans, elle attend son premier enfant et fait du marketing dans une entreprise de jeux vidéo. «Et ça fait vingt-cinq ans qu'on me demande ce que devient la petite fille du Téléphone pleure.» Les clodettes ont 50 ans. L'ancien secrétaire devenu acteur, Ticky Holgado, est mort il y a deux semaines d'un cancer des poumons. Les costumes en lamé sont figés sur des cintres ou sous globe, incapables de danser. Chez Nicole, fan de toujours qui eut le droit de monter le voir sur son lit funéraire pour avoir tant couru après sa voiture, le petit chat est mort. Il s'appelait Flèche, comme la marque sur les disques... Le monde de Claude François s'enfonce dans le passé, point lumineux qui laisse dans son sillage des midinettes vieillies, des reliques de scène, un film (Podium, sortie le 11 février). Et d'increvables bulles de savon, qu'on appelle des tubes.
Pour le visiter, il faut passer voir Fabien Lecoeuvre, dans le XVIIe arrondissement, à Paris. En 1992, les fils de Claude François lui ont confié la communication posthume de leur père. Il est trop jeune pour avoir été fan, c'est le genre pas grand, musclé et malin qui présenta le journal télévisé interne de la chambre de commerce, devint attaché de presse de maison de disques avant de se mettre à son compte. La porte qui sépare son bureau du salon d'attente est ouverte. Il est au téléphone avec la télé : «Je t'apporte la mèche de Claude François, c'est rare, tu vas faire un pic d'audience !» La nostalgie a son dircom, c'est lui. Il sait tout. En chiffres : 888 costumes, 642 paires de boots, 1 355 cravates, 1 117 fois sur scène... Et la mèche, c'est combien ? «10 000 à 15 000 euros.» Il a réponse à tout. A écrit 21 livres (pas tous sur Cloclo), a acheté un fonds de 28 000 photos du chanteur sur lesquelles il touche des droits. Il a dans son carnet d'adresses tout le monde de Claude François : enfants, ex-clodettes, ex-collaborateurs, ex-femmes... Il fait le lien entre ces gens qui ne se voient plus, voire se détestent. C'est le pape de la chapelle. «J'ai la montre, LA relique, il l'a enlevée avant de prendre sa douche. Parce que c'était une douche... pas un bain !» En vrai professionnel de la légende, il sait régler sa voix sur le thermostat de la salle de bains. «Les gens adorent que je raconte cette histoire, ils ont l'impression que je fais la messe.»
Trois jours sur son lit
Mais c'est Kathalyn qui y était, dans la salle de bains. Elle avait 20 ans. Elle était mannequin. Elle sortait avec Cloclo depuis 18 mois. C'est elle qui l'a tiré hors de la baignoire. Elle vient d'en faire un livre (1) : «Donc Claude ne réfléchit pas lorsqu'il lève la main vers l'applique. Mais Claude la saisit et sa main se colle au fil dénudé. Je l'ai vu soudain se raidir, tandis que ses doigts se crispaient autour de la lampe. (...) Alors je n'ai pas réfléchi. Je me suis précipitée pour le tirer hors de cette maudite baignoire. Le hasard a voulu que je porte ce matin-là des sabots suédois à semelle isolante, sinon j'aurais probablement péri avec lui... J'ai tiré Claude si énergiquement que l'applique qu'il serrait toujours entre ses doigts s'est arrachée du mur. Puis je l'ai allongé sur le sol de la salle de bains.»
Il était mort. Il restera trois jours allongé sur son lit, le bout des deux doigts brûlés offert au défilé des ultimes regards. Sylvie Mathurin, son habilleuse, a choisi un costume sobre, en velours bleu marine. Elle et Kathalyn dormiront à tour de rôle sur un matelas au pied du défunt. La servante amoureuse et l'amoureuse officielle. Sylvie Mathurin, aujourd'hui 47 ans, n'est pas mariée, a eu des enfants, ne peut effacer ces moments où elle préparait l'artiste, «on était tous les deux seuls au monde», ne peut effacer sa trace, «je l'ai en moi». Kathalyn reçoit au Royal Monceau pour vendre son livre. C'est aujourd'hui une riche Américaine, très belle à 50 ans, femme d'un promoteur immobilier dont elle a deux fils. Elle est venue avec d'autres épouses, celle de l'avocat de son mari, qui tricote une écharpe point mousse tout en lui traduisant un français dont il ne lui reste pas grand-chose. Et sa copine Birgitta, naguère deuxième recrue de l'agence de mannequins Claude François Girl's Models, si contente que toute la vérité soit dite sur la mort de Claude : «J'ai entendu tellement de cochonneries.» Kathalyn se souvient de la mode des sabots, «si confortables, on les enfilait en sortant du lit. Il y en avait plein le Moulin à disposition des invités».
La petite niche illuminée
Le Moulin, Dannemois (Essonne), sortie numéro 13 sur l'A6. Claude François l'avait acheté en 1964. Monsieur, madame Lescure, et leur fils, en 1998. Ils étaient fans. Avant, ils faisaient dans la boulangerie, côté Périgord. C'est monsieur Lescure qui a inventé le pain passion, et l'a fait breveter. Un jour, il était à Chartres pour son affaire, il tombe sur Prisca la clodette, elle lui raconte que le Moulin, maintes fois revendu, est à l'abandon. Il fait un saut dans la soirée, regarde à travers les grilles. Il lui faudra sept ans pour l'acquérir. Depuis, madame Lescure, qui a gardé sa collection du journal Podium rempli de photos du moulin, reproduit le tout à l'identique. Le canapé peau de vache dans le salon de la maison américaine. La petite niche illuminée dans la chambre «j'ai mis un saint Antoine de Padoue alors que c'était un saint François d'Assise, mais bon je suis protestante, je sais que Claude m'a pardonné ». Côté salle de bains, difficile aussi de faire copie conforme : «Ce que vous ne verrez pas ce sont les toilettes et le bidet, parce que les fans les ont emportés. » L'entrée est à 9 euros pour les adultes, et 5 euros pour les moins de 12 ans. Il est possible de louer la grande salle de restaurant pour un mariage. C'est 2 700 euros, avec vin d'honneur autour de la piscine au bord de laquelle Cloclo écrivit Comme d'habitude et photo des promis devant la grande roue. Le couple est fier de sa dernière acquisition, le costume d'Alexandrie Alexandra, 6 000 euros. De la chemise body, avec frou-frou à l'encolure et attache entre les jambes pour qu'elle ne s'échappe pas du pantalon. Fiers d'avoir reçu samedi, pour l'anniversaire de la naissance de Claude François, Danièle Gilbert, Patrick Topaloff, Stone depuis longtemps sans Charden... Le spectacle était assuré par Franck Doriat, profession sosie. «Avant je l'aimais pas trop, mais je l'ai coaché... Il a refait son nez, maintenant il est parfait. Je veux des jeunes, pas des viocs, Claude est mort à 39 ans. Et, s'il avait vécu, il aurait été assez astucieux pour faire de la chirurgie esthétique», assure la patronne du Moulin. Monsieur et madame Lescure, en vrais fans installés chez leur idole, réclament une place en première classe dans le train de la légende. Ils ne comprennent d'ailleurs pas qu'on ne les ait pas prévenus de l'émission de Michel Drucker, ce dimanche. Et trouvent un peu mou ce Claude François junior qui n'a toujours pas ouvert le container où se trouvent les meubles de la maison américaine. «ça fait trois ans qu'on en parle.»
«Obnubilé par la peur du bide»
Claude François junior, c'est le fils, pas le fan. Même nom (une idée de sa grand-mère), qui fait passer le moindre coup de fil pour une blague téléphonique. «Une habitude». Même coupe de cheveux, «j'ai essayé la raie sur le côté ou la coupe Ricky Martin mais ça ne tient pas». Des souvenirs d'enfant du divorce, week-end et vacances avec son père. Un tuteur aux biens à l'adolescence, auquel les descendants finirent par faire un procès, perdu. Des études arrêtées en fin de troisième. Ce n'est qu'en 1993 qu'il relance la marque Flèche : «Ma deuxième fille naît, j'ai 25 ans et je me dis qu'il serait temps de m'inquiéter de mon avenir.» Pragmatique plus que messianique. Les disques appartenant aux majors, il vend de la vidéo, du karaoké, du conseil. Son frère, Marc, plus jeune d'un an, est de l'aventure, mais de loin, il préfère l'immobilier, «il me regarde et il rigole». Sa mère édite chaque année un guide féminin du vin (le Fémivin), «elle peut parfois me reprocher de trop vouloir intellectualiser mon père. Je sais que c'est un chanteur populaire et qu'il le restera. On est obnubilé par la peur du gros bide qui fera dire aux journalistes : ça y est, c'est fini».
Ces quelques mots de la fin, personne jamais ne les a prononcés. Mais la musique de Claude François se désincarne lentement. Reste l'ami perdu. «Il venait chez moi quand il est mort», se souvient Michel Drucker. Il était effectivement attendu, et très en retard, sur le plateau des Rendez-vous du dimanche. «Il m'avait proposé un duo de mecs, "à la façon des séries américaines", comme il disait. On aurait fait cinq ou six shows par an à la télé. Quelques jours avant sa mort il m'avait dit : "On va être les rois du monde, on va faire ça pendant vingt ans." Ma vie aurait sans doute changé si le destin en avait décidé autrement. Je suis resté un artisan.» Reste le nid perdu. En 1996, lorsque trois clodettes (Prisca, Ketty et Carole) retentent leur chance, c'est le bide. «A la télé, seul Pascal Sevran nous a reçues», se rappelle Carole Plumel. Elle a 50 ans, les cheveux blond pétant, les cuissardes, la minijupe, et la télé qui régulièrement fait sa demande de souvenirs. «On m'appelait la petite bourge du groupe.» Parce qu'elle était née dans une famille avec de l'argent et se disait «pas fan mais amie» de Claude François, elle a pu, passée la vie de danseuse, ouvrir des bars à Ibiza ou faire de l'astrologie. D'autres se sont moins bien rétablis. Car plus on descend les grades de l'ex-empire Cloclo, de l'amoureuse à l'habilleuse, de l'habilleuse à la fan restée sur le trottoir, plus la dépendance au souvenir est forte. Plus on descend les grades de la vie, plus les photos de l'idole restent incrustées au mur des chambres. Comme une lumière, difficile à éteindre.
(1) C'est comme ça que l'on s'est aimé, de Kathalyn H. Jones-Mann, éd. Michel Lafon. |
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»08.02.04 - 17:44 |
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